La vérité sur la guerre à l’Est de la RDC:

Alors que le président Ougandais, Yoweri Kaguta Museveni venait d’être élu président de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), le Front Patriotique Rwandais (FPR) composé d’exilés Rwandais, en majorité Tutsi, se décidèrent d’attaquer le Rwanda le 1er Octobre 1990 en utilisant son pays comme base arrière. Quatre ans plutôt, ces jeunes Rwandais l’avaient aidé  à accéder au pouvoir à Kampala, où ils occupaient des postes clés dans la nouvelle armée ougandaise. Paul Kagamé l’actuel président du Rwanda en dirigeait les renseignements alors que son compagnon d’arme Fred Rwigema, tué au front le premier jour, en avait été vice-Ministre de la Défense.

Museveni fut contrarié, sa toute nouvelle élection à la présidence de l’OUA était une sorte de reconnaissance comme homme d’état légitime, pour cet ancien maquisard, arrivé au pouvoir par les armes. Et voilà que ces “boys” comme il les appelait, risquaient de tout gâcher. La situation lui sembla d’autant plus contrariante qu’il eut du mal à expliquer qu’il n’était pas derrière cette “agression” d’un pays voisin et frère.

Museveni raconte lui-même comment ce fût difficile de convaincre la communauté internationale alors qu’il participait à l’Assemblée Générale de Nations Unies à New York. « La nouvelle me parvint la nuit: j’essayais de réveiller le Président Habyarimana mais en vain. Il avait le sommeil lourd…” – explique-t-il.

Dans la même optique, le Rwanda est en ce moment le premier contrarié par la récente attaque du Mouvement du 23 Mars, dit M23, dans la province du Nord-Kivu. Alors que Kigali s’apprête à accueillir dans moins d’un mois, plus d’une cinquantaine des dirigeants du monde Anglophone groupé dans la Commonwealth; alors que les relations entre le Rwanda et la RDC s’étaient finalement réchauffées avec l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir, Kigali se serait très bien passé d’une énième attaque du M23 qui lui met dans une situation géopolitique délicate, et relance une nouvelle ère d’animosité anti-Rwandaise en RDC.

Problème « Kongolo-Congolais »

Les congolais s’amusent à faire un amalgame entre le M-23 et l’armée Rwandaise, et pour cause, certains des commandants du mouvement avaient, par solidarité pour la cause, rejoint l’Armée Patriotique Rwandais (APR), la branche armée du Front Patriotique Rwandais (FPR) des années 90, pour libérer le Rwanda et mettre fin au génocide perpétré contre les Tutsi en 1994.

Une fois la guerre terminée ils rentrèrent chez eux dans les haut plateaux du Kivu où entre temps, la haine anti-Tutsi venait d’être implantée par les génocidaires fuyant le Rwanda et appuyé par Mobutu Sese Seko, président du Zaïre de l’époque. C’est ainsi qu’avec l’appui du Rwanda ils reprirent les armes pour se défendre dans une lutte armée qui les conduiront jusqu’à Kinshasa et chassera Mobutu du pouvoir, pour le remplacer par Laurent Désiré Kabila. Une fois installé, Kabila trahira ses alliés Rwandais et Rwandophones qui l’avaient porté au pouvoir, notamment en voulant collaborer avec les même génocidaires. L’arrivé de son fils Joseph Kabila ne changera rien à cette situation, comme qui dirait, entre Joseph Desiré (Mobutu), Laurent Desiré (Kabila), puis Joseph (Kabila), plus ça change, plus c’est la même chose.. » Justement nous Rwandais étaient remplis d’espoir avec l’arrivée, en fin, d’un nouveau prénom dans l’échiquier politique congolais depuis son indépendance en 1960: A défaut d’Antoine; Felix! le fils – prodige…

Tout allait bien…

Tout avait pourtant bien débuté avec l’arrivée au pouvoir de Felix Tshisekedi. Les relations entre la RDC et le Rwanda étaient presque complètement rétablis. Seulement la diaspora congolaise dont certains avaient justifié leur exil par « l’agression du petit Rwanda au grand Zaïre », avaient mal digéré ce rapprochement. Il guettaient donc tout occasion pour raviver les bas instincts, et les dirigeant congolais le savaient…

Trois type de rebelles en RDC…

De plus, Il existe trois catégories de groupes rebelles à l’Est de la RDC : La première, ces groupes qui s’attaquent aux civils, se combattent rarement entre eux, coexistent avec l’armée régulière (FARDC) et les casques bleus de l’ONU, dit la MONUSCO. Ceux-là constituent la majorité, leurs intérêts ne vont pas au-delà de leurs communautés, nous en décomptons plus d’une centaine.

Il existe ensuite des groupes étrangers qui exploitent la faiblesse – voir l’absence de l’armée nationale pour utiliser la RDC comme base arrière afin d’attaquer leur pays d’origine. C’est dans cette catégorie que nous retrouvons les génocidaires Rwandais, dit FDLR et les rebelles Ougandais, dit ADF-NALU. Il eut par le passé d’autres groupes Soudanais, Ougandais – dont le fameux Lord Resistance Army (LRA) de Joseph Koni, et d’autres Congo-Brazza-villois, voir même Angolais; bref, les forêts denses de la RDC sont une aubaine pour les groupes armées de la région..

Il existe enfin une troisième catégorie qui est  celle du M23. Des citoyens congolais à part entière, dont les revendications sont nationales, liées à la discrimination de leur communauté et à la gouvernance en général. Pour se faire entendre les M23 se battent contre tout le monde, y compris les deux autres catégories des groupes rebelles, les FARDC, voir même la MONUSCO – parfois les trois en coalition. Ils occupent des territoires, et menacent le pouvoir de l’État. Par le passé ils ont même dû essuyer des attaques d’une « Force Intervention Brigade (FIB)» faite de l’Afrique du Sud, de la Tanzanie et du Malawi.

La première et la deuxième catégorie des milices sont rarement inquiétée car elles font les affaires de tout le monde. Elles facilitent la contrebande, le trafic illicite des minerais, enrichis les commandants des FRDC, sponsorisent des carrières politiques à Kinshasa et justifient la présence de la forces Onusiennes en RDC depuis plus de vingt ans et celle de la FIB depuis dix.

Une FIB aussi inutile que la MONUSCO.

C’est la troisième catégorie, donc le M23 qui pose problème car il expose les faiblesses de l’armée, de la politique nationale, de l’ONU et l’hypocrisie des FIB. En effet, ceux-ci s’étaient joint à la danse, il y a dix ans, pour soi-disant défaire « toutes les forces négatives » du Kivu. Après avoir défait les M23 qui s’était alors replié sans trop de résistance vers le Rwanda et l’Ouganda, la FIB semble s’être acclimatée à la « Rumba » de l’Est de la RDC et font comme tout le monde: c’est-à-dire rien, ou le commerce illicite..

Tshisekedi pris entre le marteau et l’enclume.

Seulement, nous-y voilà. Suite à une attaque surprise des M23 et la brève occupation de la ville de Bunagana dans la province de Ruchuru à la frontière avec l’Ouganda, c’est le Rwanda qui est pointé du doigt.

Alors que la communauté internationale exige des preuves de ces nouvelles accusations, la rue elle, de Kinshasa à Bruxelles en est convaincue et les appels d’annexer le Rwanda et de traquer des « infiltrés » rwandais dans les rangs de l’armées de la RDC fusent de tout coté. Le président Tshisekedi en période de pré-campagne électorale pour un scrutin qui doit se tenir l’an prochain, ne peut risquer une vérité pédagogique à son peuple, qui n’en a pas besoin, par ailleurs.

Pour apaiser la foule donc, une politique de rupture envers le Rwanda: Déclaration solennelle du porte-parole du gouvernement congolais fustigeant ouvertement l’agression du Rwanda, accompagnée d’une révocation de la licence de Rwandair, la compagnie d’aviation Rwandaise ainsi que d’une convocation de l’Ambassadeur Rwandais à Kinshasa.

Mais que pouvait-il faire d’autre? C’est le Léviathan ; pour faire face à cette crainte permanente d’une vie  « solitaire, indigente, dégoûtante, animale et brève », disait Thomas Hobbes,  l’homme se doit par moment, de substituer la réalité – terrifiante – par un mythe.

Le problème pour un peuple, c’est quand ses dirigeants lui vendent ce mythe pour dissimuler leurs échecs, et le maintiennent dans une sorte d’obscurantisme. Les congolais sur les médias sociaux sont convaincus : Nous avons une armée forte, il faut annexer le Rwanda! Un slogan inventé par leur ancien premier ministre Adolphe Muzito. Un slogan cathartique, certes pour le public congolais, mais aussi irréalisable à court terme que dangereux.

Qui est prêt à accepter la vérité ?

Faut-il expliquer aux congolais qu’ils n’ont pas d’armée? Qu’il n’en ont jamais eu? Que Mobutu faisait appel à des mercenaires (Jean Schramme, Bob Denard) ou à des pays étrangers (Maroc, Sénégal, Chad, Togo)? Est-il opportun de rappeler la présence des forces étrangères? Aujourd’hui, il existe; tenez-vous bien, plus des 58 États contributeurs des troupes armées et policières en République Démocratique du Congo, et n’y font rien depuis plus de vingt-trois ans.

A quoi servirait d’indiquer que n’importe quel mouvement rebelle pourrait facilement inquiéter les FARDC, qui passent leur temps à jouer au « Sobels » (Soldat de jour, rebelle de nuit) – comme on appelait les forces régulières pendant la guerre civile des années 90 en Sierra-Léone et au Libéria; qu’ils changent d’habits pour piller les populations qu’ils sont censés protéger, qu’ils collaborent avec les forces génocidaires rwandaises (FDLR), et qu’ils vendent armes et munitions sur le marché noir de Uvira à Beni?

Faut-il révéler que les politiciens sont obligés de pointer du doigt le Rwanda car leurs généraux sont inefficaces? Qu’un site décompte au moins 132 groupes armées à l’Est de la RDC ; que des attaques en cours des Forces Démocratiques Alliées (ADF) un groupe djihadiste Ougandaise se multiplient à Beni font plus des morts sans que personne n’y prête attention?

La RDC n’a pas honoré ses engagements

Les demandes du M23, qui consistent au rapatriement des réfugiés congolais d’expression rwandaise cantonnés dans des camps en Ouganda et au Rwanda ayant fui des persécutions dans les hauts plateaux de l’est de la RDC, sont tout à fait légitimes et sont garantis par un accord de paix signé à Nairobi en décembre 2013, entre le gouvernement congolais et les M23.

Les grandes lignes de cet accord consistaient à :

  • Amnistier les combattants du M23 qui ne sont pas poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité;
  • Accorder le statut de parti politique légitime au M23 pour qu’il exerce sa politique à Kinshasa et partout dans le pays;
  • Rapatriement des refugié Rwandophones de nationalité congolaise, abrités dans des camps des réfugiés au Rwanda et en Ouganda.

L’accord n’a jamais été mis en œuvre voilà dix ans déjà, jusqu’à la récente attaque des M23.

Le M23 ne veut pas se battre.

Le comble de l’histoire c’est que le M23 ne voulait pas de guerre. Comme pour agiter un drapeau en disant : « Ne nous oubliez pas hein» Ils ont effectué une attaque surprise, occupé la ville de Bunagana pendant deux jours, puis se sont repliés dans leurs positions;

Fabrication des preuves

Les congolais sont-ils prêt à écouter ces vérités? La réponse est non! Le premier politicien à s’y aventurer signerait tout de suite sa mort politique, une année avant les élections, et Tshisekedi n’est pas suicidaire. Il préfère donc vendre du vent et gagner du temps…

Les preuves fournies par les généraux aux congolais, quant à l’appuis allégué du Rwanda envers le M23, sont deux vieilles tenues militaires de l’armée Rwandaise, les mêmes uniformes avaient été présentées par le passé, ainsi que deux militaires kidnappé dans la zone frontalière alors qu’ils faisaient leur ronde nocturne habituelle. « En période de paix, quand ils se rencontrent pendant qu’il patrouillent le long de la frontière, ils se donnent le salut militaire et passent leur chemin, nos militaires n’ont pas su que l’attitude avait changé, on leur a tendu un piège…» – explique un militaire Rwandais.

Le Rwanda ne va pas combattre le M23.

Même si le Rwanda a tout intérêt à prouver son innocence dans cette affaire à cent pour cent congolaise, il ne va pas aller jusqu’à se battre contre le M23 comme semblent l’espérer les FARDC.

Pour rappel les dirigeants du M23 qui s’étaient retirés au Rwanda n’ont pas bougé de leurs camps, alors que ceux de l’Ouganda, dirigées par le commandant Sultani Makenga viennent de reprendre les armes neuf ans plus tard, pour rappeler au gouvernement congolais, ses engagements non-exécutés.

Appels à la haine

En pleine déroute militaire pendant la guerre qui l’opposa au FPR dans les années 90, le gouvernement de Habyarimana pointa du doigt les « ibyitso Tutsi» espions internes. Ma mère qui tenait un salon de coiffure à Kigali depuis dix ans et qui ne s’était jamais occupé de la politique fut arrêtée et détenue pendant une année avec des milliers d’autres civils pour la simple raison qu’ils étaient Tutsi. Aujourd’hui, c’est au tour de tout congolais de « faciès tutsi » de « prouver sa citoyenneté ».

Je ne me soucie guerre des appels intempestifs à annexer le Rwanda, après tout comme dirait Wole Soyinka « le tigre ne proclame pas sa tigritude; il bondit », ce qui m’inquiète, c’est la résurgence des appels à la haine contre les Tutsi, et ceux aux traits « douteuses »  Luba, Ngbandi, Bashi, etc.

 

 

 

NDLR: A l’heure de la publication de cet dossier, le Président Félix Tshisekedi, lors d’un déplacement à Luanda en Angola, avait accepté de libérer les deux jeunes militaires Rwandais kidnappé à la frontière, ce qui a provoqué un tollé des critiques parmi ceux qui sont convaincu sans raison que le Rwanda est l’ennemi de la RDC.