La première leçon qu’on apprend dans une bonne école de droit, c’est qu’il ne s’agit pas de vous. Quand la vie de votre client est en jeu, votre ‘one man show’ peut lui porter préjudice.
Un comportement irresponsable de votre part, notamment en contrariant les juges, ou en faisant des déclarations sensationnalistes dans les medias, n’est pas dans l’intérêt de votre client. Après votre petite minute de gloire, vous avez la possibilité de rentrer chez vous, ce qui n’est pas le cas de votre client. Voilà ce qu’on apprend dans une bonne école. Me Vincent Lurquin, Avocat au barreau de Bruxelles, n’a visiblement pas fréquenté une bonne école de droit.
Me Lurquin est entré au Rwanda le 3 Octobre sur base d’un visa de visite non professionnelle. L’immigration Rwandaise octroie les visas à l’arrivée sans condition à tous les citoyens du monde. Les visiteurs sont sensés dire la vérité, en âme et conscience, quant à l’objet de leur visite. Malheureusement, cela n’est pas toujours le cas.
A son arrivée, Me Lurquin s’est rendu au siège du Barreau du Rwanda pour se renseigner sur les conditions pour avoir le droit de plaider au Rwanda. Il disait vouloir représenter un certain Paul Rusesabagina, détenu au Rwanda et poursuivi pour formation d’un groupe terroriste, – ce qu’il a admis devant les juges, assassinat et six autres chefs d’accusations.
Le secrétariat du barreau a expliqué à Vincent Lurquin tout le processus, lui indiquant que selon l’article 7 de la loi No 83/2013 du 11/09/2013, portant création de l’Ordre des Avocats au Rwanda, les avocats étrangers auront le droit de prester au Rwanda sur base d’un principe de réciprocité entre leur barreau d’origine et le barreau Rwandais. L’exercice de la profession d’avocat à l’étranger, et notamment la représentation judiciaire sont soumis à des règles précises partout dans le monde.
En lui expliquant cela, le secrétariat de l’ordre ignorait que Me Lurquin avait dissimulé aux services d’immigration la véritable raison de sa venue au Rwanda. En effet ce dernier était entré au Rwanda sur un visa de touriste, au lieu d’un visa de travail pouvant lui permettre de demander un permis de travail.
Ils vont le découvrir lorsque le Bâtonnier du barreau de Bruxelles écrit à son homologue rwandais, recommandant un de ses membres, Me Vincent Lurquin, et demandant à ce qu’il puisse être autorisé à plaider au Rwanda.
Le Bâtonnier du Rwanda va répondre au Bâtonnier de Bruxelles, en demandant si cette recommandation marquait une nouvelle étape dans les relations entre les deux barreaux. ‘Un avocat Rwandais peut-il plaider devant les juridictions Belges sous ma recommandation?’ – demanda alors le Bâtonnier rwandais à son confrère belge.
La réponse vint trois jours plus tard, après que Me Lurquin ait quitté le Rwanda le 10 Octobre 2020, confirmant que les membres du barreau rwandais ne sont pas autorisés à représenter des clients en Belgique. Seuls les citoyens belges et ceux de l’Union Européenne peuvent plaider devant des juridictions belges. Les avocats non-européens, ne peuvent être autorisés que sur base des accords de réciprocité entre les barreaux auxquels ils sont affiliés et le barreau de Bruxelles, ou si un traité en ce sens a été signé entre leurs états respectifs. Or des tels accords n’existent pas entre le Rwanda et la Belgique.
Le bâtonnier rwandais répondit alors à son homologue qu’il était au regret de ne pouvoir autoriser Me Lurquin à prester au Rwanda. Il expliqua que le Rwanda avait des lois similaires à celles de la Belgique, avec un protocole signé entre les États de la ‘East African Community’, permettant aux avocats des Etats membres de pratiquer le droit dans toute la région. Le Bâtonnier se dit ouvert à des tels accords de réciprocité, pouvant à l’avenir faciliter les avocats belges et rwandais à travailler dans les deux pays.
A Kigali, nous autres avocats avions cru que cette histoire était close, mais nous avions sous-estimé le narcissisme du confrère belge. Dès son retour en Belgique, Vincent Lurquin multiplia les déclarations dans la presse, disant qu’il avait été empêché de voir son client et que cela signifiait que le système judiciaire rwandais violait les droits à un procès équitable.
Vincent Lurquin, un imposteur qui avait menti aux services d’immigration rwandaise et qui découvrait qu’au Rwanda, on appliquait une règle de réciprocité quasi universelle, était maintenant en train de tromper l’opinion publique, suggérant que le Rwanda n’était pas respectueux des droits de la défense. Il a beaucoup de chance de n’avoir pas été détenu à l’aéroport international de Kigali pour tentative de violation des lois sur l’immigration et le code du travail…
Pendant ce temps, Paul Rusesabagina a déjà deux avocats qui travaillent avec lui, payés par le contribuable rwandais. Plus que tout autre chose, je suis effaré par cette situation. Pour qu’un prévenu puisse bénéficier de l’aide juridique payée par le gouvernement, celui-ci doit présenter un certificat d’indigence, prouvant qu’il est dans la première catégorie de pauvreté, appelée ‘Ubudehe’, éligible à l’aide sociale au Rwanda, et donc ne peut se payer les services d’un avocat.
Paul Rusesabagina est riche, mais il est en train de bénéficier des privilèges auxquels les victimes des attentats, rendues orphelins et veuves par son mouvement terroriste, le MRCD/FNL, n’ont pu avoir accès pour réclamer réparation. Je fais appel au ministère de la justice de s’assurer qu’eux aussi aient droit à la justice.
Mais Vincent Lurquin n’est pas le premier fanfaron qui est passé par Kigali, nous avons l’habitude. Il me rappel une américaine entrée au Rwanda avec un visa de touriste, qui demanda à voir la populiste du nom de Victoire Ingabire en prison. Lorsque sa demande fut rejetée, elle aussi fit beaucoup de bruit dans la presse.
Nous avons la malchance de faire face à des narcissiques de ce genre. Des individus qui s’imaginent qu’à leur arrivée en Afrique, les trompettes doivent sonner et toutes les portes s’ouvrir.
Nous sommes régulièrement surpris par des jeunes stagiaires qui arrivent de l’occident, et demandent à voir le président. Cela fait vingt-six ans que j’habite au Rwanda, je ne l’ai jamais rencontré en tête-à-tête. Je ne peux même pas oser demander un tel privilège alors que je vote régulièrement.
Le privilège blanc est une maladie. L’autre jour c’était au tour de la porte-parole de Rusesabagina, une Américaine du nom de Kitty Kurth de nous mettre en garde: ‘Si Paul Rusesabagina n’est pas relâché dans un délai d’une semaine, nous allons boycotter le Rwanda et demander à la communauté internationale de faire de même’.
Des semaines sont passées, Rusesabagina, toujours au frais, et des humbles paysans comme moi attendons toujours que le ciel nous tombe sur la tête…
Il existe des opportunistes qui cherchent à se faire un nom sur le dos d’un pauvre détenu, sans se soucier de son sort ou de celui de sa progéniture. Le prévenu Rusesabagina semble avoir fait la paix avec lui-même. Je pense qu’il serait préférable de le laisser tranquille, afin qu’il puisse faire face à la justice de son pays en toute sérénité.
Certains avocats n’ont pas de scrupule à annoncer à leurs clients: ‘Nous avons perdu le procès, vous risquez de passer le reste de votre vie en prison, mais ne vous en faites pas, votre procès aura largement contribué à la jurisprudence, et soyez assuré que les générations futures pourront énormément en bénéficier’…
La seule chose qui préoccupe les clients c’est de gagner, ou de recouvrer leur liberté. Ils n’apprécient donc pas que leurs vies puissent être utilisées dans la mégalomanie de certains avocats.
Salut Gatete
Quelle belle plume décomplexée à la manière de son auteur!
Je t’ai rencontré il y a 14-15 à Kigali…jeune juriste..à ce moment ton regard curieux brillait d’ intelligence…t’avais pas froid aux yeux…et je te le disais, peut-être tu t’en rappeles pas, …mais ton simple article vient me comforter..way to go, bro!