Les négociations sont toujours nécessaires, même entre nations amies. Cependant, elles supposent la bonne foi des parties.
Les négociations en Angola entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) ont offert au gouvernement congolais des excuses pour prétendre qu’il n’est pas en guerre contre une frange de sa population persécutée, mais contre le Rwanda.
Le Rwanda, en revanche, n’est pas en guerre, sauf contre les terroristes à Cabo Delgado, au Mozambique, et en République centrafricaine !
Selon le protocole de paix d’Angola, signé par les trois ministres des Affaires étrangères (Angola, Rwanda et RDC), il est indiqué :
- Le Rwanda doit « réduire ses mécanismes de défense » ;
- La RDC doit « cesser de collaborer avec les FDLR ».
Nulle part dans le protocole il n’est mentionné que le Rwanda doit arrêter une prétendue guerre en RDC.
Le protocole est en effet explicite. Chaque pays dans ce monde doit avoir des mécanismes de défense en place, d’autant plus lorsque le gouvernement voisin est hostile et :
- Admet officiellement collaborer avec une milice composée de personnes ayant commis un génocide (voir protocole) ;
- A, par le biais de Notes Verbales signées le 26 juillet 2024 auprès du Mécanisme Résiduel de l’ONU et de la République du Niger, officiellement invité des génocidaires condamnés à s’installer dans son pays après leur peine de prison, afin qu’ils forment de nouvelles recrues à l’idéologie génocidaire ciblant les Tutsi, et in fine le Rwanda ;
- Profère quotidiennement des menaces de bombarder Kigali.
En réalité, avec les mécanismes de défense du Rwanda en place, les menaces de la RDC n’affectent pas la sécurité rwandaise.
Le gouvernement de la RDC est en guerre contre sa propre population : le cas du mouvement rebelle M23
Le mouvement rebelle M23 fait référence aux accords de paix signés il y a dix ans entre son prédécesseur, le « Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) », et le gouvernement de la RDC, le 23 mars 2009, dans lesquels ce dernier s’engageait à :
- Cesser de collaborer avec et désarmer les FDLR ;
- Rapatrier plus d’un million de Tutsi congolais vivant en exil ;
- Mettre fin à la propagande de haine contre les Tutsi.
Dix ans plus tard, le gouvernement de la RDC refusait encore de respecter ses engagements, et les réfugiés tutsi congolais continuaient de languir en exil, ce qui a poussé le CNDP à adopter le nom « M23 » en guise de rappel et à reprendre les armes contre leur gouvernement.
En reprenant la guerre, le mouvement M23 est venu d’Ouganda, pas du Rwanda. Il est entré par Bunagana, une zone non frontalière d’avec le Rwanda, comme l’ont confirmé toutes les parties, sauf Kinshasa (le président ougandais Yoweri Museveni corrobore cette version).
Cependant, lorsque l’armée congolaise, les FARDC ont été battue par les rebelles du M23 à Bunagana, Kinshasa a choisi immédiatement d’affirmer que le M23 venait du Rwanda.
Ils l’ont fait pour les raisons suivantes :
- Cette position servait leur rhétorique politique consistant à nier la citoyenneté des Tutsi congolais et à les accuser d’être Rwandais – et non Ougandais ;
- Cela justifiait la défaite des FARDC sur le champ de bataille contre un petit groupe rebelle mal équipé ;
- Cela donnait au gouvernement de la RDC une excuse pour se coaliser avec les FDLR, qui ont commis le génocide contre les Tutsi au Rwanda, ont été vaincus en juillet 1994, se sont réfugiés en RDC et ont commencé à cibler les Tutsi congolais, les forçant à fuir et à initier un mouvement de résistance (CNDP, M23, etc.) depuis 30 ans ;
- Cela leur permettait d’alimenter les sentiments anti-Tutsi au sein de la population congolaise et, finalement, de coaliser avec des centaines de milices locales contre le M23.
L’importance du mécanisme de paix de Nairobi
Après la prise de certaines parties du Rutshuru et du Masisi dans la province du Nord Kivu par le M23, les États de la région ont intervenu. Un « Mécanisme de paix de Nairobi » a été mis en place, présidé par l’ancien président kényan Uhuru Kenyatta, pour faciliter la paix. Le choix d’Uhuru Kenyatta comme facilitateur n’était pas anodin. Il reconnaissait le fait que l’accord existant entre le CNDP et le gouvernement congolais avait été signé à Nairobi dix ans auparavant.
Le mécanisme de Nairobi préconisait une force de maintien de la paix dans l’Est de la RDC pour arrêter les combats. Pour ce faire les pays de la Communauté des États d’Afrique de l’Est ont déployé une « force de maintien de la paix », appelée « East African Standby Force » (EASF), pour permettre des négociations entre le M23 et le gouvernement de Kinshasa.
La force devait superviser :
- Le désarmement du M23, son cantonnement et sa démobilisation, avec certains éléments éventuellement réintégrés dans les FARDC à une date ultérieure ;
- La neutralisation des FDLR ;
- Le rapatriement des réfugiés tutsi congolais.
Cela était l’esprit même des accords de Nairobi du 23 mars 2009 entre le CNDP et le gouvernement de la RDC. Cependant, Kinshasa avait nullement l’intention de mettre en œuvre les accords de Nairobi.
Au lieu de cela, une fois la Force en attente de l’Afrique de l’Est (EASF) déployée dans l’Est de la RDC, le gouvernement congolais leur a demandé de dévier de leur mandat et de combattre le M23, qu’il qualifiait de milice étrangère. Cependant, les contingents kényans et ougandais, ayant vu des camps de réfugiés composés de familles de rebelles du M23 dans leurs pays respectifs depuis 30 ans, comprenaient bien la situation des Tutsi congolais et leur persécution par leur propre gouvernement. Ils ont donc décidé de s’en tenir à leur mandat et ont refusé de combattre le M23.
Tshisekedi était furieux ! Une vidéo le montre réprimandant le commandant kényan de la force régionale lors d’un sommet à Bujumbura, au Burundi. Cependant, cela n’a pas impressioné le général kényan, qui est resté fidèle à son mandat. Quelques mois plus tard, Tshisekedi a décidé d’expulser la Force de l’EAC. Aucune explication n’a été donnée à ce jour par le gouvernement de la RDC, membre de l’EAC, à ses États membres partenaires.
Avant leur départ, le M23 avait fait preuve de bonne foi en cédant les territoires qu’il avait conquis au contingent burundais de l’EASF. L’accord stipulait que l’EASF conserverait les territoires cédés, sans les attribuer ni à l’armée congolaise (FARDC), ni à ses milices partenaires, afin de sécuriser ces zones et de permettre le retour des réfugiés tutsi en exil et des personnes déplacées internes à Goma.
Cependant, les troupes burundaises ont fait exactement le contraire. Dès que le M23 leur a remis ces territoires, elles les ont immédiatement livrés aux FARDC et aux milices Wazalendo, exposant ainsi les populations rapatriées à des représailles, des atrocités et de nouveaux déplacements.
Cela a poussé le M23 à contre-attaquer et à reprendre ces territoires. Le contingent burundais a dû incendier ses propres casernes avant de fuir avec les milices Wazalendo et l’armée FARDC. Cet incident a revelé que le Burundi était en RDC pour des raisons différentes et que ses véritables intentions ne tarderaient pas à se manifester.
Une nouvelle déviation des accords de Nairobi
Une autre étape visant à saper les accords de Nairobi a été la décision de Tshisekedi d’armer la population et de s’allier avec des milices violentes, une copie conforme des manouvres opérées entre 1990 et 1994 par régime génocidaire vaincu au Rwanda.
En conséquence, le désarmement et le cantonnement du M23 ne sont plus envisageables. En effet, comment peut-on désarmer des personnes et les renvoyer dans des communautés hostiles qui sont elles-mêmes armées ?
Après l’expulsion de l’EASF, Felix Tshisekedi s’est tourné vers la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) et leur a demandé de remplacer les forces est-africaines, cette fois avec un mandat pour « affronter et éliminer les envahisseurs ».
Tshisekedi a présenté ce déploiement comme une guerre entre blocs, à savoir les « Nilotiques de l’Est » contre les « Bantous du Sud », avec la RDC comme enjeu, qu’il promettait de livrer à ses « frères bantous ». Cet argument, tiré tout droit du livre d’idéologie génocidaire des FDLR, qualifie les Tutsi de peuple étranger, non-originaires de l’Afrique centrale.
Bien qu’aucun pays de la SADC n’ait probablement été impressionné par les absurdités ethniques de Tshisekedi, trois pays, à savoir la Tanzanie, l’Afrique du Sud et le Malawi, ont envoyé des troupes dans le cadre de la Mission de la SADC en RDC (SAMIDRC) pour des « raisons personnelles ». Le Burundi, probablement l’autre pays encore ethniste au XXIe siècle, a déserté le camp « nilotique » de l’EAC et a rejoint la mêlée en tant que non-membre de la SADC pour cimenter la « solidarité bantoue ».
Les motivations des pays impliqués
Pourquoi ont-ils fait cela ?
- Les politiciens sud-africains possèdent des concessions minières dans l’Est de la RDC. Mais surtout, il est dans la vocation de la « sécurocratie » sud-africaine de saper les intérêts du Rwanda. Si leur prestige dans la région de l’Afrique australe, où ils détenaient autrefois une domination totale et incontestée n’existe plus, c’est à cause des Forces de défense rwandaises (RDF). L’armée rwandaise a réussi là où l’armée sud-africaine a échoué à neutraliser les jihadistes à Cabo Delgado, au Mozambique.
Les contrats que détiennent les entreprises rwandaises à Cabo Delgado étaient auparavant réservés aux entreprises sud-africaines. L’Afrique du sud a perdu du prestige, de l’argent, des contrats de défense et bien plus encore au profit du Rwanda. Le Rwanda l’a-t-il fait pour nuire aux intérêts de l’Afrique du Sud ? Pas vraiment. Le Rwanda a été appelé pour combler un vide, mais cela n’est pas le sujet. Les pays n’ont pas vocation à s’aimer, ils collaborent, rivalisent ou se battent, c’est ainsi que le monde est fait. Avec l’Afrique du Sud, curieusement, nous entretenons les trois relations.
- Le Burundi poursuit une politique de nettoyage ethnique contre les Tutsi burundais, identique à celle de la RDC, et compte des centaines de milliers de réfugiés tutsi burundais dispersés dans la région.
Dans une déclaration récente, son président Evariste Ndayishimiye a déclaré à ses généraux: « Si nous ne combattons pas le M23 en RDC, ils viendront nous chercher ici à Bujumbura. »
- La Tanzanie est en RDC en raison des intérêts personnels de puissants individus au sein du parti au pouvoir, le Chama Cha Mapinduzi (CCM), qui nourrissent en même temps une hostilité profonde envers le FPR et Paul Kagame.
- Le Malawi est en RDC par solidarité avec la SADC, pour un peu de prestige, et principalement pour l’aventure. Heureusement, ils n’ont jamais affronté le M23 au combat, ce qui les aurait édifiés d’une certaine perspective existentielle. Les Sud-Africains et les Tanzaniens l’ont fait, tandis que les Burundais le regrettent amèrement.
En effet, le M23 a tué une dizaine de soldats sud-africains et capturé une vingtaine de Tanzaniens. Ces derniers ont été discrètement libérés et rapatriés dans leur pays grâce à des négociations menées par le Rwanda entre le M23 et le gouvernement tanzanien. Ces dignitaires influents du CCM ont depuis été neutralisés. Depuis, l’Afrique du Sud et la Tanzanie ont juré de ne plus se battre avec le M23.
Quant au Burundi, son armée a tout simplement été décimée. En effet, les Burundais ont un arrangement avec le gouvernement de la RDC. Le président Ndayishimiye a offert son armée comme mercenaires. Les soldats burundais ont endossé l’uniforme de l’armée congolaise et sont payés pour combattre, probablement sous le commandement des commandants congolais très inefficaces et des mercenaires blancs originaires européens de l’Est, dont le chef, Horatiu Potra, citoyen franco roumain, ex-légionnaire à la tête des mercenaries impliquée en RDC vient d’etre arrêté en Roumanie.
On estime qu’environ mille (1000) soldats burundais ont été tués dans l’est de la RDC en moins de six mois. Pour créer la terreur chez leurs ennemis, après chaque bataille, les commandants du M23 communiquent par radio avec les commandants adverses ainsi que la Croix-Rouge pour venir récupérer leurs morts et les enterrer loin des territoires contrôlés par le M23. Cela terrorise les autres troupes, à tel point que les nouvelles recrues burundaises ont pris peur et refusent de se déployer dans l’est de la RDC. Plusieurs centaines des soldats ont été jugés en cour martiale à Bujumbura.
Revenons à la diplomatie – ou à son échec
Lorsque la RDC a perdu la ville de Bunagana face au M23, elle a intensifié ses accusations d’invasion rwandaise, expulsé son ambassadeur de Kinshasa et armé la milice FDLR pour attaquer des villages à Kinigi, sur le territoire rwandais, tuant des civils et détruisant des biens. Ces actions ont poussé le Rwanda à renforcer ses mécanismes de défense, ce que la RDC a perçu comme une menace.
L’Union africaine a alors mandaté le président angolais João Lourenço pour servir de médiateur entre les deux pays afin d’apaiser les malentendus et de désamorcer les tensions.
Le Rwanda a participé de bonne foi au processus de paix de Luanda, conformément aux directives de l’UA. Cependant, la RDC a utilisé cette coopération pour prétendre que le Rwanda était en guerre avec elle.
Les accords de paix ont stagné pendant environ deux ans, jusqu’à ce que, finalement, le 25 novembre 2024, les ministres des Affaires étrangères et les représentants des services de renseignement des deux pays concluent et signent un accord-cadre, appelé « Concept of Operations » (CONOPs), qui devait être consacré lors du sommet des chefs d’État à Luanda, prévu pour le 15 décembre 2024.
Cependant, le 24 novembre 2024, un jour avant la réunion ministérielle en Angola, la Première ministre de la RDC, Judith Suminwa, a dirigé une délégation à Goma, où son ministre de la Justice, Constant Mutamba, a appelé à tuer tous les « traîtres rwandais » (entendez par là les Tutsi congolais) et a lancé une « fatwa » contre le président du Rwanda. Cependant, cela n’a pas dissuadé les représentants du Rwanda d’adhérer au CONOPs.
Le 11 décembre 2024, quatre jours avant le sommet entre les présidents de la RDC et du Rwanda en Angola, le président congolais Félix Tshisekedi, s’exprimant devant son Parlement, a affirmé que le retour des populations déplacées du Kivu dans les zones contrôlées par le M23 équivalait à un « remplacement des populations congolaises légitimes par des étrangers opéré par le Rwanda » (source).
Cette déclaration est totalement fausse pour trois raisons principales :
- La majorité (environ 90 %) des populations de Rutshuru et Masisi (deux noms en kinyarwanda) à l’Est de la RDC sont des Congolais parlant le kinyarwanda, car cette région appartenait autrefois au royaume rwandais.
- Tous les rapports confirment que les zones contrôlées par le M23 sont beaucoup plus sûres que celles contrôlées par l’armée congolaise FARDC et la myriade de milices violentes alliées à elle (un rapport récent d’Amnesty International accuse l’armée congolaise de massacres de masse à Goma, tandis que des cas de racket, de viols et de meurtres par la milice Wazalendo sont signalés quotidiennement à Goma). Le M23 est également accusé de crimes, mais les rapports s’accordent à dire qu’il est le mouvement le moins violent de tous, bien loin derrière l’armée congolaise et ses milices alliés.
- Il est évident qu’aucun citoyen rwandais, ou quiconque d’ailleurs, ne quitterait un État-providence comme le Rwanda, bénéficiant d’une éducation et de soins de santé universels, de la sécurité et de la prospérité, d’une espérance de vie ayant atteint 70 ans, de logements gratuits et d’allocations mensuelles pour les personnes démunies, pour allers s’exposer aux maladies, famines, racket, viols et, potentiellement, la mort dans l’est de la RDC. C’est précisément pourquoi il y a environ un million de Congolais parlant kinyarwanda en exil !
De plus, les lecteurs apprécieront le moment choisi pour ces déclarations belliqueuses, à quelques jours d’étapes majeures pour la paix.
Enfin, des telles affirmations justifient la lutte du M23, car elles confirment que le gouvernement congolais ne reconnaît pas la citoyenneté des Tutsi congolais.
Une anecdote pour conclure
Un diplomate étranger proche des négociations m’a confié que la nouvelle ministre des Affaires étrangères de la RDC n’a jamais serré la main de son homologue rwandais après environ six editions de négociations. Le moderateur, le ministre angolais des Affaires étrangères, Tete António, en est abasourdi!
A mon point de vue, c’est pour toutes ces raisons que le président du Rwanda a décidé de ne pas participer au dernier sommet de Luanda, laissant les factions congolaises, à savoir le M23 et le gouvernement, négocier directement en vue de mettre en œuvre leurs engagements du 23 mars 2009.
Article original publié en Anglais au lien suivant: https://gateteviews.rw/the-democratic-republic-of-congo-where-diplomacy-goes-to-die/
Leave a Reply