‘‘Je respecte beaucoup le président Kagame, je l’admire pour ce qu’il fait pour le peuple Rwandais, j’espère pouvoir autant servir la Guinée.’’ Président Alpha Condé (au cours de la récente visite du Président Paul Kagame en Guinée).
Pendant que j’écoutais le Président Condé, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser au discours de son lointain prédécesseur Ahmed Sékou Touré rendant hommage à Nkwame Nkrumah : ‘‘Je devrais démissionner et laisser le Président Nkrumah prendre ma place…’’
Je me suis dis que l’esprit Pan Africain était de retour! Celui préconisé par l’illustre Cheikh Anta Diop, celui de nous considérer tous et mutuellement comme le berceau de l’humanité et l’origine de la civilisation : je n’étais pas présent à l’époque, mais j’imagine que le climat devait être celui-là.
Pendant un temps, l’esprit a semblé se dissoudre. Lorsque la jeunesse du continent a perdu espoir, aujourd’hui accusant les colonialistes, demain les dirigeants despotes, brandissant devant eux le modèle occidental en leur disant : voyez-vous, vous n’êtes pas entrain de nous maintenir à leur niveau! Se résignant à la misère générale à la base et devenant maître dans l’art de la victimisation.
Le temps du désespoir est finalement entrain de céder le pas à une époque où nous reconnaissons pouvoir par nous-mêmes. Lorsque nous célébrons la sagesse de nôtre aïeul, lorsque nous tenons en flambeau notre ‘‘Ubuntu’’.
Je sent le renouveau, lorsque le succès de l’un d’entre nous n’est plus considéré comme une accusation d’échec de l’autre, mais comme une source d’espoir. Pour citer la poétesse Marianne Williamson, ‘‘(…) et pendant que nous faisons briller notre propre phare, nous autorisons d’autres peuples à faire de même. Pendant que nous sommes libérés de notre frayeur, notre présence libère automatiquement les autres’’.
J’ajouterai: ‘‘ et leur permet de briller aussi de mille feux’’.
Aujourd’hui, nous pouvons nous soutenir les uns les autres et ensemble nous lever de nouveau, car elle ajoute, ‘‘ce n’est juste l’apanage de certains d’entre nous ; mais celui d’un chacun’’.
C’est la raison pour laquelle nous commémorons. Nous nous souvenons d’Hamilcar Cabral qui a combattu les Portugais jusqu’à son dernier souffle, et de Patrice Emery Lumumba qui a fait le rêve d’un Congo libre et prospère. Beaucoup d’entre nous trouvons encore la force dans ce discours mémorable de défi qu’il a prononcé devant le Roi des Belges au sujet de l’indépendance de son pays: ‘Combattants de l’indépendance aujourd’hui victorieux, Je vous salue…’ Et de lancer: ‘Nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang..’
Vous venez au Rwanda car, vous êtes les descendants de Chris Hani, Tom Boya et du Prince Louis Rwagasore ; des grands hommes dont les actes vous ont précédés. Lorsque nous vous saluons, c’est eux que nous voyons en vous
Nous saluons les camarades Kenneth Kaunda, Julius Nyerere et Yoweri Kaguta Museveni dont les territoires on servi de tremplins aux mouvements de libération. Nous remercions les camarades Samora Machel et Edouardo Mondlane, dont le Partido de la Vanguarda Socialista (Frelimo) a aidé le peuple du Zimbabwe et d’Afrique du Sud dans leur lutte contre l’apartheid. Nous saluons les camarades Oliver Thambo, Walter Sizulu et Steve Biko qui jamais n’ont accepté de compromis au sujet de la liberté totale de leur peuple du joug de l’oppresseur.
Il importe d’être informé au sujet de ces illustres Africains. Eux et non les maîtres coloniaux devraient nous servir de modèles. La leur et non l’histoire du colonisateur est celle que nos enfants devraient apprendre à l’école.
Nous pensons à Meles Zenawi, le combattant et Unificateur de l’Ethiopie, il est mort si prématurément comme son ami John Garang, qui jamais n’a connu un Sud Soudan indépendant et prospère. La sagesse rwandaise nous enseigne que les plus vaillants de tous doivent mourir de la main de l’ennemi pour que leur sang rachète la victoire du Rwanda ; nous rendons donc hommage à Fred Gisa Rwigema, le plus vaillant de tous, grâce à qui le vœu de rentrer au pays est devenu une réalité.
De qui dois-je ou ne dois-je pas me souvenir ? Ma liste n’est pas complète. Je n’ai pas pu dresser une liste exhaustive de plus de la centaine de héros auxquels la terre de nos ancêtres a pû donner naissance. Alors une fois de plus, l’histoire n’est pas terminée, elle ne fait que commencer.
Au moment des indépendances, la plupart d’entre nous disposaient du nécessaire pour prospérer. L’effervescence était réelle, de même que la conscience et l’héroïsme. Aujourd’hui, tout peut de nouveau repartir. Non seulement je le sens, je peux le voir et le vivre.
Vous n’avez pas dû demander un visa pour venir au Rwanda. Ce fait ne doit pas vous surprendre ; car le contraire serait une anomalie. Lorsque vous atterrissez, regarder autour de vous, vous constaterez que vous vous trouvez parmi les vôtres. En écoutant attentivement, vous comprendrez quelques-uns des mots de notre langue maternelle. Ne vous sentez pas dépaysé. Votre culture ressemble à la nôtre. Tendez l’oreille lorsque votre voisin raconte son histoire, vous serez touché par la similarité d’avec la vôtre.
L’Afrique doit être une, sans frontières et intégrée. Après tout, les frontières ne sont que dans nos têtes. Nous rendons hommage à Haile Selassie, le père de l’Union Africaine.
Souvenons-nous du Grand Cheikh Anta Diop et de son ami l’Abbée Alexis Kagame, de qui il disait aimer le travail car éxclusivement fait en langue maternelle: le Kinyarwanda. Ici nous sommes les disciples de Franz Fannon, et des camarades des Iles Caraïbes : Aimé Césaire et Léon Gontran Damas. Hommes disciplinés et visionnaires qui ont œuvré sans répit à infuser la philosophie et l’érudition dans notre lutte. Ils ont donné des couleurs a notre cause, et établi des preuves irréfutables de notre grandeur d’ésprit, à l’instar des colons.
Pour citer le jeune chanteur africain K’naan : ‘‘même les combattants pour la liberté se languissent des histoires d’amour’’. Cet hommage serait donc incomplet, s’il ne mentionnait pas Myriam Makeba, Kuyaté Sory, Hugh Masekalaand, Cécile Kayirebwa. Ils ont rendu les souffrances plus supportables, leurs voix savaient comment réparer nos cœurs brisés et alléger nos peines. Leurs musiques traversent les générations, c’est pour cette raison que nous vibrons encore au rythme de Indépendance Cha Cha de Joseph Kabasele (dit: Grand Kallé).
Ces héros qui ont empeché les conquistadors espagnols, les explorateurs portugais ou les pères blancs belges à nous voler notre humanité ; notre Ubuntu.
Aucun d’entre eux n’a pu gagner les Prix Nobel ou Ibrahim, ils constituaient l’avant-garde d’iconoclastes dont les vies étaient dédiées à la lutte contre l’empire. Ce n’est pas de lui qu’ils attendaient la gratification, mais de leurs propre peuples : nous!
Soyez les bienvenus au Rwanda. Nous somme les enfants de Mutara Rudahigwa, un combattant pour la liberté, un héro de l’indépendance, qui a toujours cherché à unifier son peuple jusqu’à ce que le pouvoir lui soit retiré. Nous croyons que le Rwanda va au delà des frontières de cette terre minuscule, qu’il est bien plus grand: un concept d’ouverture et d’hospitalité.
J’ai réservé le meilleur pour la fin : une dédicace speciale au Camarade Thomas Sankara. Sa vision n’a hélas pas encore pu se traduire en art de vivre au Bourkina-Faso. C’est pendant tout ce que vous verrez ici au Rwanda, est directement inspiré de lui: De l’émancipation de la femme, en passant par l’intégrité publique allant jusqu’a défier la France. l’Etat comme garant du bien-être social, jusqu’à la dignité de l’homme noir ou Agaciro en Kinyarwanda. Je suis fier de dire que nous sommes entrain de réaliser le rêve de l’ilustre Sankara, qui, je le pense doit être fier de nous.
Cet Article a été publié en deux langues dans le Magazine Aérien ‘Inzozi’ – de Rwandair.
Version originale: Anglais: Gatete TK,
Traduction Francaise: Isabelle Kabano.
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