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En début de semaine, le Groupe d’Experts des Nations Unies sur la République Démocratique du Congo (GdE) a publié un rapport dans lequel ils accusent l’armée rwandaise (RDF) de mener des opérations militaires à l’Est de la RDC, et de soutenir le “Mouvement du 23 mars”, dit M23. En lançant ces accusations, le groupe a cité nommément des officiers de l’armée rwandaise (RDF), présumés être impliqués dans le conflit.
Le Groupe d’Experts est un mécanisme créé en 2004 par le “Comité des Sanctions” du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) en vertu d’une résolution 1533 (2004) pour surveiller le conflit en cours à l’est de la RDC. Son mandat est renouvelable chaque année.
Le rapport accuse également l’armée congolaise, les FARDC, d’avoir fusionné avec le Front de Libération du Rwanda (FDLR), une organisation terroriste dirigée par les auteurs du génocide contre les Tutsi en 1994, et d’autres violentes milices. Le rapport indique que des milices, dont le FDLR en tête, ont reçu des nouvelles munitions, de l’équipement et des paiements en milliers de dollars américains afin de combattre le M23.
Le M23 est un groupe rebelle composé de Congolais parlant le Kinyarwanda (langue nationale rwandaise), qui se sont vu refuser la citoyenneté dans leur pays d’origine qui les assimile aux Tutsis du Rwanda. Sur les liens suivants, l’ancien président Tanzanien feu Mwalimu Nyerere et le sud-africain Thabo Mbeki expliquent le sort des Tutsi congolais.
Le rapport accuse également le M23 de mener des exactions sur les civils, notamment dans les “massacres de Kishishe”. Voici le lien du rapport complet du GdE de l’ONU.
Mon analyses:
Hormis le titre pompeux: “expert de l’ONU”, les rapports, ainsi que leurs auteurs ne sont guère à la hauteur du tapage médiatique qui leur est habituellement réservé. Depuis sa mise sur pied en 2004, le Groupe d’experts entretient des relations plutôt hostiles avec le gouvernement rwandais, et son premier coordinateur, Steve Hege, a fini par être licencié suite à des révélations mettant à nu son parti pris pour les FDLR. Dans cet article, écrit avant sa nomination au poste de coordinateur du Groupe d’experts, Steve Hege assainit les FDLR et conclut que la seule façon pour qu’ils puissent retourner au Rwanda est que la communauté internationale fasse pression sur le gouvernement rwandais pour l’obliger à négocier avec la milice génocidaire. Aussitot nommé, Hege avait tenté de réaliser son rêve, notamment en accusant le Rwanda de crimes en RDC…
Malgré son limogeage, les relations ne se sont guère améliorées; la coordinatrice actuelle du groupe est l’avocate belge Mélanie De Groof de l’Université d’Anvers; une institution connue pour financer des recherches sur le profilage ethnique au Rwanda, supervisées par le négationniste belge Filip Reyntjens, professeur à ladite école et ancien conseiller du président déchu Habyarimana. Dans cet article écrit il y a quelques années, suite à une publication de l’Université d’Anvers sur le nombre des – soit-disant – Tutsis et des Hutu qui occuperaient des postes dans le gouvernement Rwandais, j’explique comment l’université de l’ancien colon, constitue l’un des derniers vestiges avec mission d’attiser les tensions inter-ethniques au Rwanda.
Et comme prévu, la principale source d’information du GdE sont les FDLR, comme ils l’admettent eux-mêmes dans le rapport: A la page 110 des annexes, le rapport note: “Nous avons partagé les listes de soldats des RDF opérant en RDC avec le gouvernement du Rwanda, qui a répondu en soulignant que les 12 individus mentionnés dans notre rapport étaient apparus dans une précédente vidéo de propagande des FDLR”.
Une autre “preuve” retrouvée par les experts de l’ONU pour établir le soutien du Rwanda au M23 est un morceau de papier en décomposition: une “procuration” prétendument émise par un soldat des RDF à son collègue comme une sorte de testament, au cas où il venait à mourir au combat:
“Les documents ci-dessous, récupérés par “un groupe armé local” (lisez FDLR) engagé dans la lutte contre le M23 et les RDF, sont signés par des éléments des RDF et par leur supérieur, le lieutenant-colonel Emmanuel Mugabo, et indiquent que les éléments des RDF ont donné procuration sur leurs comptes bancaires à des parents proches… Un officier des RDF a confirmé au Groupe que leurs soldats parfois gardent sur eux ce type de documents lorsqu’ils sont envoyés sur le champ de bataille.”
Seulement, le soldat Barore Elyse, s’il existe, son numéro – lui, n’est pas réel. Aucun opérateur téléphonique au Rwanda propose des numéros de type: 9791088723. Voici le bout de papier:
Plus loin, le rapport affirme: “Entre Novembre 2022 et Mars 2023, des troupes des RDF ont été identifiées dans les territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo. Les forces rwandaises ont parfois campé avec des combattants du M23.”
Comment le savent-ils ? “Ceci est attesté par un carnet retrouvé par les experts de l’ONU à Mushaki, une ville sous le contrôle des rebelles M23. Le document contenait les noms et grades des soldats rwandais envoyés en mission dans la région”, annonce le rapport. Apparemment, les experts de l’ONU sont tombés sur un “carnet” portant le titre: “Liste des soldats rwandais déployés en RDC”. La pépite en question, semble-t-il, traînait par-là, attendant que les expert s’en emparent.
Pour avoir couvert des déploiement des troupes par le passé, notamment au nord du Mozambique est au nord Kivu, je sais pertinemment qu’aucune armée, pas même une milice, ne conserve de telles listes. C’est ce type de “preuves” ridicules qui sont cité dans le rapport de l’ONU, que des éléments du FDLR transmettent à nos experts pour qu’ils les publient sans vérification, dans l’espoir que personne n’y regardera de plus près…
Plus loin, le rapport indique que les opérations militaires du Rwanda en faveur des rebelles du M23 sont coordonnées par le conseiller en matière sécuritaire du président Kagame, le général James Kabarebe. Affirmer cela, c’est mal connaître l’armée rwandaise et la gouvernance du Rwanda en général. Afande Kabarebe est trop haut gradé pour une opération de cette nature. Bien que agiter son nom paraît sensationnel vu son parcours, un général quatre étoiles, ancien chef d’état-major, et ancien ministre de la défense, ne peut pas commander un détachement de troupes au sein du RDF. Le plus haut gradé des généraux rwandais, presque à la retraite, passe son temps dans des académies militaires, à enseigner aux jeunes troupes la doctrine rwandaise de combat, comme le font tous les anciens rwandais en fin de carrière.
Ceci dit, nos experts serait bien inspiré à ne pas souhaiter l’implication du général. En effet, la dernière fois qu’il a commandé des troupes au Zaïre, Afande Kabarebe a marché sur Kinshasa en quelques mois, renversé l’ancien dictateur Mobutu, en a nommé un nouveau et est devenu chef d’état-major de l’armée Congolaise. Il a également permis à Joseph Kabila, membres de sa garde rapprochée, de succéder à son père à la présidence du vaste et riche pays. À l’époque, il n’était qu’un général à deux étoiles; aujourd’hui il en a quatre…
En 2008, un juge espagnol avait inculpé ce qui semblait être une liste tirée de Google, faite de quarante dirigeants de l’armée Rwandaise. Sans apporter aucune preuve, l’Espagnol émit des mandats d’arrêt contre quarante noms “à consonance africaine” sur un coup de tête, les accusant des crimes les plus odieux, mais ne sut se soumettre à la tâche, lorsque, en octobre 2015, le chef des renseignements Rwandais fut arrêté au Royaume-Uni en application des mandats. Le lieutenant-général Karenzi Karake fut rapidement libéré et des excuses lui furent présenté, dans une saga embarrassante qui poussa la Cour Suprême espagnole à annuler les actes d’accusation de Fernando Andreu Merelles et à abandonner la fameuse “Juridiction Internationale” que le pays s’était arrogée. À l’époque, les généraux James Kabarebe, Jean Bosco Kazura, Frank Mugambage et Rugumyangabo Gacinya figuraient tous sur la fameuse liste. Il semble que le groupe d’experts des Nations unies l’ait reproduite, seize ans plus tard.
Mais pourquoi le groupe des Nations unies accuse-t-il souvent le Rwanda de s’ingérer dans l’est de la RDC? Je vous explique: Les Congolais d’expression Kinyarwanda ne sont jamais vaincus militairement; ils le sont diplomatiquement. Chaque fois qu’ils lancent une lutte armée afin d’obtenir la reconnaissance de leur statut de citoyens à part entière de la RDC, et le retour de leur communauté faite de plus de 300 000 exilés, le mouvement est accusé de toute sorte des crimes inventés, puis ses dirigeants sont inculpés par la Cour Pénale Internationale, ce qui fait du groupe un paria, sanctionné par tous les Etats, et ainsi, la cause des Tutsis congolais qui croupissent dans des camps de réfugiés à travers la région est retardée d’une décennie. Jusqu’à ce qu’ils s’organisent à nouveau, une dizaine d’années plus tard, qu’ils entament une nouvelle lutte armée, que de nouvelles accusations soient portées, etc. Ce cycle infernal dure depuis trois décennies…
De leur part, les politiciens de la RDC n’ont aucune contrainte à résoudre la question de Banyamulenge et de tous les autres Congolais de locution Kinyarwanda, tant dans leur pays ou en exil, parce que ces experts de l’ONU mènent une guerre diplomatique à leurs endroit, notamment en accusant le Rwanda, tandis que les casques bleus de l’ONU, milices et mercenaires de toutes sortes mènent leur guerre sur le terrain.
Il y a quelques mois, des collègues et moi nous sommes rendus dans la zone de guerre à l’est de la RDC, pour enquêter sur les “massacres de Kishishe” que l’ONU avait accusé le M23 d’avoir commis. À l’époque, le nombre total de victimes présumées était pratiquement mis aux enchères entre l’ONU, les ONG et le gouvernement de la RDC, sans qu’aucun d’entre eux n’ait prit la peine de diligenter une enquête sur le terrain: 150, 200, 300 victimes, charniers des victimes, et esclaves sexuelles, disaient-t-ils, les uns après les autres semblaient surenchérir.
À l’époque, le gouvernement congolais avait même décrété un deuil national de trois jours, les ambassades occidentales avaient à leurs tours envoyé des messages de condoléances, et la représentante de l’ONU en RDC s’était adressée au Conseil de Sécurité pour demander des sanctions à l’endroit du M23. Imaginez donc notre surprise, lorsque nous sommes arrivés à Kishishe et que nous ayons constaté que rien de tout cela ne s’était passé.
Une brève bataille avait eu lieu entre le M23 et la coalition faite de FARDC, milices locales Mai-Mai et FDLR, dans laquelle 13 combattants avaient été tués, ainsi que 8 civils. Après trois semaine d’enquête dans le Rutshuru et toute une journée passé dans le petit village de Kishishe, nous n’avons découvert aucun charniers, ni d’autres exactions de type Boko-Haram, initialement rapportés. Les villageois de Kishishe vaquaient à leurs occupations, sortaient et revenaient du village à leur guise, et entretenait des relations relativement cordiales avec les rebelles du M23.
Voici notre rapport en Anglais et en Français, contenant des interviews vidéo des habitants de Kishishe, leurs noms et numéros de téléphone. Halas, ce qui avait été initié comme une campagne mondiale d’indignation pour mobiliser sanctions et mise en accusations, mourut d’une mort naturelle. En revanche, personne, ni le gouvernement congolais, ni les ONG, et encore moins l’ONU, n’avaient fait l’effort de rectifier leurs mensonges…
Plus loin dans le rapport, les “experts” de l’ONU signalent que le M23, basé à Rutchuru, est sur le point de fusionner avec “Twirwaneho”, un groupe rebelle faite des « Banyamulenge » basé sur les hauts plateaux du Sud-Kivu. Seulement, il est géographiquement impossible que le M23 et Twirwaneho se rencontrent. Alors que la distance séparant les deux factions est de plus de 300 kilomètre à vol d’oiseau, à pied, l’escalade des montagnes et la descente des vallées augmente la distance à plus de 1000 kilomètres de “route”; Ce qui équivaut à la distance entre Kigali et Nairobi; avec une vingtaine d’autres communautés congolaises et milices locales se trouvant entre les deux….
Pour ceux qui connaissent Minembwe, le fief Banyamulenge où est basé Twirwaneho, la simple montée de la plaine Rusizi à Uvira jusqu’aux hauts plateaux, représente une semaine de marche à pied. Pourquoi alors cette dramatisation? Eh bien, chaque année, le mandat de la MONUSCO est soumis au renouvellement, et à cette époque de l’année, le groupe d’experts de l’ONU publie un rapport pour alarmer l’opinion publique congolaise, annonçant une attaque imminente du Rwanda, afin de s’assurer du renouvellement de l’impuissante mission de maintien de la paix en RDC.
Dans la fable du garde-malade qui maintient le malade en état de maladie pour continuer à bénéficier des délices lui destinés. Le malade ne parle pas de lui-même, la famille et les proches parlent au garde-malade qui fait des demandes en son nom. “Le malade m’a chargé de vous dire qu’il veut du vin et du foie gras, demain il exigera des homards”, etc. Le garde-malade, en l’occurrence, c’est le groupe d’experts de l’ONU, et le malade, naturellement, c’est la République démocratique du Congo.
Pour comprendre la crise à l’Est de la RDC et le mandat de la MONUSCO, il faut apprécier la place de la ville de Goma dans la contrebande internationale. Goma est le siège de toutes les ONG, des blanchisseurs d’argent, des négociants en minerais, des bandits de classe mondiale de tout acabit et la MONUSCO est sur place pour assurer leur protéction. Ce n’est pas un hasard si la plupart des pays occidentaux ont un consulat à Goma et dans aucune autre ville du vaste pays-continent. La MONUSCO n’est pas en RDC pour le peuple congolais.
Voyez-vous, le grand territoire du Congo n’a jamais été créé en tant que nation pour son brave peuple – les Congolais, il a été mis à part comme une réserve à partir de laquelle les pays industriels se serviraient les minerais. Les bombes atomiques larguées à Nagasaki et Hiroshima à la fin de la deuxième guerre mondiale ont été fabriquées à partir de l’uranium extrait à Shinkolobwe, dans la province du Haut-Katanga. Ainsi, le chaos et un gouvernement faible doivent y être maintenus, les politiciens doivent y être corrompus pour que les nations occidentales prospèrent. Goma est la capitale minière du monde, une ville aussi importante que Paris, New York ou Genève, bien plus importante que Kinshasa, la capitale de la RDC!
Vu sous ce prisme, le progrès du Rwanda apparaît comme un élément perturbateur, un miroir de développement qui pourrait inciter les citoyens congolais à commencer à poser des questions. Pour éviter cela, un narratif a été construit, peignant le Rwanda comme la source de tous les maux congolais: “Tout ce que vous voyez au Rwanda vous appartient”, leur rappellent quotidiennement les médias occidentaux.
Ironiquement, les étrangers préfèrent Goma à Lubumbashi, par exemple, pour son accessibilité et sa proximité d’avec le Rwanda, qui leur offre une compagnie aérienne fiable (Rwandair), de bonnes routes de transit et une issue rapide pour échapper aux éruptions volcaniques, à l’insécurité et au stress…
À la page 17, le rapport prétend que le Général Major Frank Mugambage, ancien ambassadeur du Rwanda en Ouganda et brièvement chef de la force de réserve, tire les ficelles en RDC. Seulement, le général en quasi-retraite est actuellement en congé maladie, se faisant soigner en europe, tandis que le brigadier Rugumyangabo Gacinya retraité depuis longtemps, est un heureux fermier qui garde son bétail au village depuis 2018.
De manière générale, le rapport d’experts est rédigé en une sorte d‘accusation-en-miroir, emmenant le lecteur à comprendre que les FDLR ne sont qu’un mouvement qui essaie de survivre et de défendre la population congolaise contre les méchants M23 et l’armée Rwandaise: “Un nouveau schéma d’attaques ciblées du M23 contre les civils est apparu, avec plusieurs opérations meurtrières visant des populations associées aux FDLR et à d’autres groupes armés, ou présumées les soutenir. Les viols, y compris les viols collectifs perpétrés par des combattants du M23, ont été fréquents. Les groupes armés locaux et les FDLR ont créé le réseau des “Résistants patriotes congolais”, qui a combattu le M23 aux côtés des FARDC. La collaboration était coordonnée par des officiers supérieurs des FARDC, qui soutenaient les groupes armés en leur fournissant de la logistique, des équipements militaires et des financements”, indique le rapport.
On ne peut pas à la fois accuser un groupe de commettre des viols et d’être soutenu par le Rwanda, pour deux raison: Au cours des quatre années de guerre au Rwanda et les quelques mois de guerre au Zaïre dans les années 90, l’armée du FPR dirigée par Paul Kagame n’a jamais été accusée de viol, pas même une seule fois, ce qui fait que la mission de maintien de la paix du Rwanda en République Centrafricaine a tenu le groupe Wagner à l’écart, suite aux accusations de viols portées contre les mercenaires russes.
Le M23 est dirigé par d’anciens de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR), des jeunes congolais d’expression Kinyarwanda, qui s’étaient à l’époque porter volontaires pour venir assister le FPR dans sa lutte de libération au Rwanda, avant de retourner dans leurs montagnes du Kivu, une fois la guerre terminée. Ce qui fait que leur formation militaire, ainsi que leur doctrine de guerre sont similaires à celui de l’armée Rwandais; chose que nous avons noté lors de notre récent passage dans le Rutshuru.
Plus inquiétant encore, les auteurs du rapport glissent dangereusement vers une justification de la persécution des Tutsis congolais, d’où le titre : « Nouvelle opérations Turquoise ». Pour eux, le M23 “a exploité le récit du génocide”, ce qui “a créé un terrain propice pour l’incitation à la peur, les discours haineux et les représailles violentes, y compris les meurtres, contre les communautés susmentionnées par ceux qui se sont opposés au M23″…, et plus loin : “la manipulation du récit du génocide par le M23 et les autorités rwandaises a considérablement augmenté le risque que des civils soient pris pour cible et pourrait déclencher une violence interethnique généralisée entre les communautés”….
En gros, personne ne devrait dénoncer la persécution des Tutsis congolais en cours en RDC, ni demander que leurs réfugiés dispersés dans la région puissent rentrer chez eux, car cela équivaudrait à “exploiter le génocide”, ce qui “justifierait la colère de l’opinion publique en RDC”. En tant que Rwandais, ce récit nous est très familier, sans doute introduit par Mélanie De Groof de l’Université d’Anvers: “Le génocide au Rwanda a été déclenché par la colère publique causée par l’invasion du Rwanda par le FPR, un pays par ailleurs pacifique, en 1990.”, affirme son mentor Filip Reyntjens depuis 1994.
Dans un livre intitulé “Le Tribunal du remords, à l’intérieur du Tribunal pénal international pour le Rwanda”, l’auteur Thierry Cruvellier explique que “dès la création du TPIR, un avocat flamand du nom de Luc de Temmerman, collègue de Reyntjens en tant qu’ancien conseiller juridique du président Habyarimana, qui été parmi les premiers à défendre les génocidaires devant ledit tribunal d’Arusha, notamment en représentant un certain Nderubumwe Rutaganda, vice-président de la milice Interahamwe, condamné à la prison à vie pour crime de Génocide contre les Tutsi. Très tôt, M. Temmerman fut chargé par les génocidaires de recruter des avocats francophones qui les représenteront. Il réunit ses nouvelles recrues à Nairobi et leur dit en substance: “Vous allez être embauché pour défendre des individus accusées d’avoir commis un génocide. Votre travail n’est pas de défendre les crimes de ces gens, mais de défendre l’idéologie du Parmehutu. Vous devez faire tout ce qui est en votre pouvoir pour nier l’existence du génocide contre les Tutsi. Vous devez le faire à l’intérieur et à l’extérieur des salles d’audience”. La plupart de ces avocats de la défense sont encore à l’œuvre aujourd’hui, comme le rapportera plus tard Andrew Wallis dans son livre “Stepp’d into Blood”, et l’illustré dans cet article du même auteur.
S’exprimant sur la radio allemande Deutsche Welle, 24 heures après que les milices CODECO et ADF-Nalu, basées à Beni et en Ituri, aient pénétré en Ouganda et tué plus de quarante-deux personnes dans une école, le porte-parole de l’armée ougandaise (UPDF) a accusé l’armée congolaise FARDC d’être complice de ces milices meurtrières; il a expliqué que chaque fois que l’UPDF se bat contre les deux milices, elle capture des soldats des FARDC dans leurs rangs. Il s’est résigné en disant que l’UPDF ne peut plus continuer à travailler avec une armée étatique qui collabore avec des milices qui tuent des citoyens ougandais. Il y a quelques années, c’est la frontière rwandaise qui avait été franchie par les FDLR, tuant des citoyens Rwandais.
Dans ce contexte, il ne faut pas être un génie pour comprendre que tout gouvernement responsable, voisin d’un vaste vide en matière de sécurité et de gouvernance, où sévissent milices de toutes vocations, dont une voué à sa perte, a le devoir, et cela en vertu des normes internationales, d’assurer la sécurité de ses citoyens par tous les moyens nécessaires, en particulier lorsque ces milices sont directement soutenues par l’armée nationale.
La résolution du Conseil de sécurité [la dernière en date est la résolution 2641 (2022)], qui définit le mandat du groupe d’experts de l’ONU, exige clairement du gouvernement de la RDC qu’il respecte la souveraineté de ses voisins, en ces termes : “Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la RDC ainsi que de tous les États de la région et soulignant la nécessité de respecter pleinement les principes de non-ingérence, de bon voisinage et de coopération régionale”.
Pourtant, en dépit des accusations accablantes contre les FARDC, ces rapports du GdE sont brandis par le gouvernement de la RDC comme des trophées, le ministre congolais des médias allant jusqu’à tenir des conférences de presse conjointes avec la représentante de l’ONU, et les communiqués des superpuissances qui s’ensuivent chantent tous à l’unisson pour vilipender le Rwanda. Pendant ce temps, la communauté Hema dans le haut nord des régions du Kivu, à Beni et dans l’Ituri est massacrée quotidiennement pour être assimilées aux Tutsi, par des milices soutenues par l’armée de la RDC, sans que cela ne suscite des remous. Une telle absence de conscience est curieuse…
Ainsi, dès lors qu’il est établit que l’armée congolaise collabore avec la milice génocidaire du FDLR, répertoriées comme organisation terroriste mondiale, et ce, après que son président Félix Tshisekedi ait publiquement déclaré son intention de renverser les dirigeants rwandais, le gouvernement rwandais a tous les droits, et cela en vertu du droit international humanitaire, de faire en sorte qu’une telle alliance ne puisse prospérer.
Il est étrange qu’en dépit des mécanismes de paix de Nairobi et de Luanda, tous deux destinés à favoriser une paix durable dans l’est de la RDC, le gouvernement congolais n’ait jamais tenu aucun de ses engagements. Au lieu de cela, il engage des mercenaires européens, invite des armées étrangères et s’allie à des génocidaires, et milices de tout poil, pour l’aider à tuer ses propres citoyens, et le tout sous les bons auspices des Nations unies.
Dans notre rapport Kishishe, nous expliquons que ce n’est pas la première fois que des “massacres” sont inventés de toutes pièces dans l’est de la RDC et diffusés par des organismes et personnalités importantes, puis démentis après une enquête sur le terrain. Cependant, une fois la vérité trouvée, aucun effort n’est fourni pour la mettre en évidence. Dans le cas des “massacres de Kipupu” au Sud-Kivu, le chiffre de 220 victimes avait été immédiatement annoncé par les parlementaires provinciaux, puis diffusé par les médias internationaux. A l’occasion, le Prix Nobel Denis Mukwege avait déclaré : “Ce sont les mêmes qui continuent à nous tuer” (“Ils” désignant les Tutsi congolais).
Le nombre de victimes avait finalement été ramené à quinze (15), après qu’une mission conjointe de la MONUSCO et du gouvernement de la RDC se soit rendue sur place le 29 juillet 2020. J’explique cette bévue dans un précédent article, ici, et Mukwege n’a jamais rectifié.
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